PROLOGUE

Le chemin est sinueux, avec des hauts et des bas, mais il finit toujours par grimper au fil des kilomètres. Les curés affirment qu'il entre dans les nuages et aboutit au ciel. D'autres croient que ces nuages ourlent les bords d'un précipice et qu'au bout du chemin il n'y a rien.

Encore une pause pour reprendre souffle.

J'ai oublié m'être engagé sur ce chemin de nulle part et pourquoi je vais de l'avant sans possibilité de retour. Étrange randonnée.

Où sont passés mes compagnons ?

Une nuée descend, froide, implacable. Tout se grise. Effacé, l'arbre du supplice; disparus, les vieux dolmens. Oh, comme je déteste cette odeur douceâtre qui me suit !

Je pense à la petite souris verte qui grignotait les livres du grenier, qui aimait bien Jésus et le Père Noël, qui parlait à la lune et comptait les étoiles.

Je plisse les yeux pour mieux me souvenir :


Je réalise que je ne suis plus seul. J'ai été rattrapé par ce jeune marin qui mesurait la hauteur du soleil, qui n'avait aucun de ces préjugés qui pourrissent la vie. Il disait que questionner Dieu sur lui-même n'avait pas de sens et que, hors du monde de cristal des mathématiques, on aurait beau raisonner, on ne saurait jamais le pourquoi des choses. Paradoxalement, il philosophait à tout propos. Il aimait ça. Pourquoi aurait-il boudé son plaisir ?

Il mettait l'océan en parabole :
 


Le manuscrit de Justin le marin a été déposé à la Société des Gens de Lettres à Paris.
Guy Roves
Justin le marin